Le pastoralisme, "ce mode d’élevage extensif pratiqué par des peuples nomades", représente plus de 80% des ruminants domestiques au Burkina Faso, 34% des revenus des ménages ruraux, les produits de l'élevage étant le troisième produit d’exportation du pays, générant 26% des recettes d’exportation et contribuant à hauteur de 12% du PIB. Un secteur d'activité de taille qui est menacé, souligne René Millogo, coordonnateur de la Plate-forme d’actions pour la sécurisation des ménages pastoraux (Pasmep), dans une longue interview publiée hier par notre confrère lefaso.net.*
Créée il y a dix ans, tout d'abord comme projet d'appui à la filière, puis mutant en association, la faîtière fait face aux défis de la décentralisation, de la sécurité car les troupeaux nomades se font attaquer, des changements climatiques "qui font que le pastoralisme est devenu aujourd’hui une activité assez complexe" et d'amener les pasteurs à jouer "un rôle citoyen au niveau local et au plan national".
Le pastoralisme, si "complexe et pluridimensionnel", n'est pas suffisamment pris en compte dans les politiques nationales, rappelle René Millogo. C'est une activité économique de la première importance mais source de conflits aux niveaux national et régional. C'est pourquoi la Pasmep intervient principalement au Centre-Sud du pays, une zone de transit pour les troupeaux, frontalière avec le Ghana et "conflictogène".
Des pistes de travail
21 aout 2018 (ivoireagro.com) Que faire ? Selon le responsable, tout d'abord, le gouvernement doit revoir la loi d’orientation relative au pastoralisme (LORP) qui remonte à 2002 alors que "le contexte et les enjeux ont beaucoup évolué ; il y a les changements climatiques, les questions foncières, la démographie galopante, etc."
D'autre part, au niveau des communes et suite à la politique de décentralisation, les plans de développement ne tiennent pas compte suffisamment de l’élevage pastoral. "Vous verrez des communes où il n’y aucune piste à bétails fonctionnelle, aucune zone spécifique de pâturage […]", "les quelques pistes à bétail ont été obstruées par l’activité agricole principalement". "Même les zones pastorales officielles initiées et délimitées par l’Etat font face à des velléités d’occupation."
A ceci se greffent, souligne encore René Millogo, la création et le développement de grandes superficies agricoles par des "agro-business men" et "l'installation de mines d'or (artisanales et/ou industrielles), qui connaissent un essor réel actuellement au Burkina."
"L’Etat doit continuer d’investir dans les moyens, les ressources, en faveur du pastoralisme, en sécurisant davantage les zones pastorales qui existent, en sécurisant les pistes à bétails existant (les baliser, les matérialiser, les réhabiliter etc..). Il faut en créer également." Pour ce faire, les dotations du ministère des Ressources animales et halieutiques (MRAH), disposant actuellement de moins de 1,5% du budget national, doivent être largement augmentées.
Menace ou opportunité ?
Quant au Pasmep, il a mis en place une Alliance regroupant une quinzaine d'organisations de la société civile pastorales (OSC), et travaille, entre autres, avec la coopération néerlandaise SNV aux Pays-Bas et l’European Milk Board (EMB) notamment pour la promotion de mini-laiteries. D'autre part, actuellement, il étend ses activités au Centre-Nord, vers l’Ouest et vers la Boucle du Mouhoun.
L’élevage pastoral, "un secteur économiquement viable pour notre pays à plus d’un titre", rappelle-t-il, source d'emplois, est aujourd'hui menacé. D'où la question de sa mutation, soit en sécurisant ce mode de production, soit en revoyant de fond en comble l'activité pastorale en la sédentarisant, avec ses conséquences sociale, politique, économique et sécuritaire. Car, rappelle René Millogo, "dans chaque ménage au Sahel, il n’y a pas de repas sans viande."
Source:
commodafrica